En Autriche, c'est une courgette, en France un petit pont, en Allemagne un tunnel, tous trois désignent la même action, dribbler un adversaire en faisant passer le ballon entre ses jambes: en socceranto, langage universel du football en chantier, ce geste est un nutmeg.
Sport le plus populaire de la planète, le football doit, s'il veut aspirer à l'universalité, être compris de tous, selon Ignacio van Gelderen et Ted Freedman. Ces deux passionnés de football âgés respectivement de 21 et 16 ans se sont attelés à mettre au point le socceranto, ou l'espéranto du football (soccer en américain) en référence au langage universel créé à la fin du XIXe siècle par un linguiste polonais, Zamenhof.
"Comment supporteurs, joueurs et même officiels peuvent se comprendre quand les 32 équipes qualifiées pour le Mondial-2006 par exemple parlent 18 langues différentes", soulignent-ils.
Leur invention est un mélange d'images propres au football existant dans les langues des sept pays à avoir remporté jusque là la Coupe du monde et de références à des joueurs qui ont marqué l'histoire du football.
Ainsi, il ne faudrait plus dire "le longiligne Peter Crouch a inscrit un superbe but après s'être débarrassé d'un défenseur grâce à une roulette", mais "cette baguette de Peter Crouch a marqué un alberto après s'être débarrassé d'un défenseur grâce à un zizou".
En socceranto, l'alberto désigne un but extraordinaire, en hommage à celui du Brésilien Carlos Alberto en finale du Mondial-1970 contre l'Italie, sacré plus beau but de l'histoire.
Le "zizou" fait référence au dribble étourdissant rendu célébre par le Français Zinédine Zidane, ou Zizou: quant à la baguette, l'image parle d'elle-même pour le double mètre de Liverpool.
Attention à ne pas confondre un "rustico" et un "rono", le premier venu de l'espagnol désigne un "joueur à la technique frustre", le second en référence aux Brésiliens Ronaldo et Ronaldinho un "artiste du ballon rond".
On peut toutefois reprocher au "mister d'avoir mis dans les buts un fliegenfanger", c'est-à-dire à l'entraîneur (mister en Italie, littéralement monsieur) d'avoir retenu un gardien de but maladroit (fliegenfanger en allemand ou attrapeur de mouches).
Pas sûr toutefois que les Argentins n'embrassent l'initiative: leur "dieu" Diego Maradona n'apparaît en effet dans le dictionnaire --auquel chacun peut contribuer sur internet--, que pour désigner un but marqué de la main, en souvenir de celui qu'il a inscrit contre l'Angleterre au Mondial-1986.
Ce but est de toute façon à jamais connu sous l'expression de "main de Dieu", utilisée après-coup par Maradona lui-même, signe que le socceranto aura bien du mal à supplanter l'inventivité (et mauvaise foi) des joueurs.